mercredi 27 novembre 1996

Herman de Croo « Jamais je ne ferai tomber un gouvernement pour la vie sexuelle d'un homme ».

« Le soir illustré » du mercredi 27 novembre 1996 pages 37

En dévoilant l'autre dimanche le nom de Di Rupo, vous avez fait presque l'unanimité contre vous. C'est un coup bas de votre part?

Herman De Croo:

Pas du tout! Je finirai par me fâcher... C'est après un dîner vendredi soir, en compagnie de Di Rupo en personne, avec Jacques Santer, Henry Kissinger, etc..., que j'ai appris dans ma voiture qu'il y avait une perquisition en cours avec des faits qu'on reprochait à Di Rupo.
Et le matin, dans certains journaux, on le citait. J'ai alors écrit une lettre au président de la Chambre, Langendries:
«C'est scandaleux, il faut que le premier ministre s'explique sur Pinxten et Di Rupo» et ma lettre a été diffusée par la presse. Le dimanche à la BRT, quand on m'a demandé de quel ministre il s'agissait, j'ai répondu: «Mais
c'est dans le journal, c'est Di Rupo». Pas un mot de plus. Je n'ai jamais parlé de pédophilie, je ne sais pas ce que Di Rupo a fait et je ne me mêle pas du fond de l'affaire... et j'espère qu'il ne sera pas condamné s'il est innocent. Mais j'imagine que, si un procureur général lance une telle bombe, il sait de quoi il s'agit.

Vous demandez la démission d'Elio Di Rupo?

D'autres ministres (comme Thys, Delcroix, Claes) ont démissionné avant d'être mis en accusation. Je demande un retrait temporaire car, depuis dimanche, il ne peut plus fonctionner normalement. Vous savez, un ministre qui irait en appel, puis en cassation, puis à la Cour européenne, il serait toujours présumé innocent et pourrait rester 5 ans au gouvernement. Je demande un peu de moralité et je ne changerai pas ma position d'un iota.

«JE SUIS CONTRE UN NOUVEL ORDRE MORAL »

Et la démission du gouvernement?

Jamais je ne ferai tomber un gouvernement pour la vie sexuelle d'un homme, jamais! Si Tobback avait été à ma place, le parlement aurait été trop petit pour entendre ses cris, lui qui traitait Martens de Caligula!

L'image de notre pays en prend encore un coup?

Ecoutez, il y a des centaines de correspondants du monde entier à Bruxelles, les répercussions d'affaires comme celles-là sont désastreuses pour l'image de la Belgique. Récemment, un ambassadeur me parlait de la Belgique comme d'un décédé...

Et si votre vie privée était étalée au grand jour, comme aux USA?

Je suis contre. Il n'y a pas à se justifier de sa vie privée. Je suis également contre un nouvel ordre moral: que cela soit clair, je n'ai aucun problème avec les homosexuels, les lesbiennes et tous les gens majeurs et consentants. Un vice-Premier ministre peut-il avoir une conduite «moralement à risques», ça, c'est l'affaire de sa conscience.

Si je vous demandais si vous avez une maîtresse?

Je ne répondrais pas, mais si on m'accusait d'avoir forniqué avec une jeune fille de 14 ans, là je répondrais !

Et si un témoignage vous accusait de pédophilie?

Je rigolerais! Quand on n'a rien à se reprocher, on a une excellente stabilité psychologique.

Après ces mois d'enquêtes et de «révélations», qu'est-ce qui est pourri dans notre pays?
Pas tout, mais une petite partie dans tout le système de la justice,de la gendarmerie, de la police...

« JAMAIS INVITÉ À UNE PARTIE FINE»

L'argent, le sexe, le pouvoir...vous avez été tenté?

Non, pas le pouvoir, j'ai horreur du pouvoir... Le sexe? Je n'ai jamais été invite a une partie fine, donc je n'ai jamais dû refuser! Mais je fais un exercice permanent d'auto surveillance, je suis méfiant et c'est parfois par des gens de confiance qu'on est le plus roulé. Mon père était le bourgmestre d'un petit village; un jour, il a mis un visiteur à la porte avec fracas. «C'est un entrepreneur qui m'a proposé de l'argent pour faire une route», a-t-il crié en colère. J'avais 12 ans, ça m'a marque. J'ai toujours refusé d'aller sur des yachts et refusé tout ce qui était disproportionné.

Vous attendez-vous à des arrestations dans votre propre parti?

Je n'en sais rien, j'espère que non. C'est vrai que le pouvoir corrompt de manière insidieuse mais les libéraux n'ont pas été longtemps au pouvoir!

Et des délits sexuels?

Je serais fort surpris. Franchement, je ne vois personne.

Vous vous voyez en Premier ministre potentiel?

Je n'en ai pas envie, mais si c'était par devoir, je le ferais, sans enthousiasme. Le nombre de papabili devient petit: à part Tobback (qui n'est pas un garçon fanatique, même si je lui en veux), Van Rompuy, Dehaene et Michel, du côté francophone
Dans cette partie de fumier que comporte le pouvoir, il faut de la maîtrise, de l'expérience et beaucoup de résistance...

Pascal Vrebos
Source : http://pourquipourquoi.skyrock.com/53.html

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